LETTRE OUVERTE D'UN ESPRIT LIBRE  

AVERTISSEMENT AMICAL AUX CROYANTS QUI REFUSENT LA LAÏCITE

Il y a plus de mille ans qu'aucun nouvel illuminé n'a prétendu faire la causette avec dieu et été reconnu comme prophète d'une nouvelle religion révélée. Vacances !

Durant cette période, les sciences et les connaissances ont fait des progrès considérables : notre compréhension de l'univers, de l'infiniment grand à l'infiniment petit, les sciences humaines, les technologies nous rendent plus savants que les plus savants de nos ancêtres et plus puissants que les plus puissants.

 

L'instruction de tous faisait espérer un épanouissement général de la population, une ouverture d'esprit de plus en plus grande, un humanisme universel. Même si le mystère de la vie reste une énigme, même si notre compréhension de l'univers (limité ou infini, les 2 modèles interrogent) se heurte à une incapacité conceptuelle, nous avons aujourd'hui une certitude : la Terre est la seule planète où existe et peut exister la vie à des années-lumières à la ronde (donc pas de fuite possible!) et chaque vie sur cette terre est unique et limitée (qu'elle soit humaine-animale ou végétale) et par conséquent précieuse.

 

Durant le 20ème siècle, cette approche objectivement athée de la condition humaine semblait prendre de l'ampleur, par simple évidence, au point que les combats contre l'obscurantisme religieux devenaient progressivement inutiles. La loi sur la laïcité de 1905, compromis historique français et malheureusement non contagieux, a calmé provisoirement le jeu. En contenant à la sphère privée les convictions et pratiques religieuses, on pouvait raisonnablement penser qu'elles disparaîtraient progressivement. Mais cette séparation n'a jamais été vraiment respectée et chaque fois qu'ils le peuvent, les prosélytes religieux grignotent du terrain. De plus, dans la plupart des autres pays, les églises (et parfois les rois) font la loi : le fait, en France, de tolérer les différentes croyances sans en associer officiellement aucune à notre organisation sociale est une singularité que peu de gouvernements nous envient ! La situation a donc progressivement évolué jusqu'à cette fin d'année 2015 pour devenir proprement insupportable.

 

Aujourd'hui, il semblerait que les seuls à tenir encore un peu à une application stricte de la laïcité en France soient les athées. Et ce ne sont pas les plus visibles : ceux qui avancent masqués et se servent de la laïcité de façon sélective pour combattre ponctuellement la religion musulmane sont bien plus bruyants et leur discours haineux et raciste ne fait que renforcer les tensions. Beaucoup de croyants, modérés ou pas, verraient bien un retour à la reconnaissance et à l'autorité des préceptes religieux (sous entendu que les meilleurs gagnent) sous différents prétextes : inculquer des valeurs nécessaires à la cohésion sociale (en particulier en endoctrinant les enfants dès le plus jeune âge), nous préserver du mal (sauf du mal saint) ou plus prosaïquement nous protéger de la religion des voisins. A ce petit jeu, nous savons déjà que les gagnants seront ceux qui feront le plus de surenchère et seront impitoyables dans leurs convictions.

Si les croyants ne comprennent pas que la laïcité est la seule façon de faire cohabiter des monothéismes antagonistes (ces religions très proches ont un fondement hégémonique qui les pousse, si elles ne sont pas bridées, à s'affronter) tant pis pour eux : les athées n'ont pas besoin de la laïcité puisqu'ils ont déjà supprimé tous les dieux et les superstitions qui vont avec. Contrairement à une vision simpliste, la laïcité n'est pas nécessaire pour les athées mais pour les croyants, pour qu'ils puissent exercer leur culte et leurs rituels sans être persécutés (les athées restant juste libres de ne rien faire de particulier).

 

Nul ne sait ce que nous réserve l'avenir, mais en observant ce qui se passe ailleurs et comment évoluent les tensions communautaires, nous pouvons tenter quelques pronostics.

  • après une phase pluridécennale de multiplication de sectes groupusculaires, la tendance est au renforcement de courants religieux plus importants et qui prétendent agir sur la société (voir les anti-avortement ou mariages gays pour les cathos, et islamistes fondamentalistes)

  • leur pression va se renforcer car ils se dynamisent réciproquement et sont alimentés par un malaise social planétaire lié au libéralisme et à la guerre de tous contre tous

  • les gouvernements, les forces politiques et décideurs économiques seront impuissants à régler ces tensions (risquant même de les aggraver par des mesures militaires) car leur pouvoir repose sur la crédulité des populations, comme les religions.

  • Si nous attendons d'être en situation d'affrontement direct avec les intégristes religieux, c'est-à-dire si nous les laissons gagner encore du terrain avant de réagir fermement, parce qu'il ne sera plus possible de cohabiter, le choc sera terrible. Se taire aujourd'hui, comme beaucoup le recommandent (pour ne pas troubler les convictions des uns et des autres, pour ne pas provoquer la réaction violente et imprévisible des chatouilleux du divin) n'évitera rien et au contraire encourage ceux qui prétendent nous dicter leur loi à continuer dans ce sens.

 

 

Pour les athées, la laïcité est un compromis, acceptable si elle est totalement respectée, ce qui est de moins en moins le cas. Tous les croyants ne sont pas des prédicateurs qui veulent imposer leur vision du monde et tous les conflits ne sont pas religieux, même si cet aspect est bien souvent utilisé pour les justifier. Avant de déclarer la guerre à toutes les religions (car il est hors de question de se soumettre à aucune), cet avertissement amical à l'adresse des croyants de bonne volonté a pour but de faire le point et de permettre à chacun de se positionner. Il n'y a pas un seul diagnostic et un seul remède, c'est la volonté commune de se respecter les uns les autres qui désamorcera les processus conflictuels.

 

C'est pourquoi j'invite tous ceux et celles qui partagent cette démarche à diffuser autour d'eux cette lettre pour multiplier les discussions, en particulier partout où des croyants se rassemblent, car même (et surtout) dans les lieux de culte la parole laïque doit être entendue.

 

Un habitant,

français par le hasard de la naissance,

sans dieu ni maître par les lumières de la connaissance

 

Post.Scriptum.: lettre écrite à une main mais corrigée par plusieurs, le nous est tantôt pluriel (toute la population ou tous ceux qui pensent comme moi) tantôt singulier, car même seul, je persiste et signe.

 

 

3 commentaires